Point de gestion du mois de mars
Le ciel s’assombrit
La guerre en Ukraine conditionne l’évolution de l’activité.
Les indicateurs macro-économiques sont relayés au second plan depuis le 24 février dernier
et l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe. Les chiffres de l’inflation viennent ajouter de
l’huile sur le feu, mais c’est bien les communiqués en provenance de Russie et d’Ukraine qui
trimballent les investisseurs entre craintes et espoirs d’une sortie de crise. Bien que les
discussions vers un accord de paix semblent laisser entrevoir une sortie de conflit, il est
impossible de savoir si ce sera dans quelques jours ou dans quelques mois…
Les investisseurs voient pour le moment le verre à moitié plein. L’Ukraine déclare être prête à
s’engager à ne jamais rejoindre l’OTAN. Les désaccords persistent cependant sur
l’indépendance du Donbass et la reconnaissance de l’annexion de la Crimée. L’Europe est
ultra dépendante aux hydrocarbures russes. Les volumes représentent 5 millions de
barils/jour auxquels on peut ajouter 2.7 millions de barils/jour de produits pétroliers. Les
discussions tournent autour d’un possible embargo sur les exportations russes ou même un
arrêt de la Russie de vendre son pétrole et son gaz aux Occidentaux. L’équation est
relativement simple à résoudre : si un tel scénario venait à se produire, il faut détruire une
demande d’un peu plus de 5 millions de barils. La demande ne se détruit pas toute seule, il
faut qu’une hausse des prix vienne diminuer le nombre d’acheteurs. Pour réduire la
demande dans les proportions que nous évoquons, il faudrait un prix du baril de pétrole à
190 $. Il tourne aujourd’hui autour de 100 $. Vous comprenez les réticences à sanctionner
beaucoup plus lourdement la Russie. C’est le consommateur européen qui en paierait le prix
fort.
Ajoutez à cela une inflation en roue libre (5.2% en mars 2022 en France) et vous
comprendrez que la croissance économique a du plomb dans l’aile.
L’inflation justement…
L’inflation est un sujet que nous abordons depuis janvier 2021. Nous sommes plus d’un an
après et l’emballement des prix se poursuit. Plus personne ne croit au caractère transitoire
que l’on essayait de nous vendre en période de reprise post-covid… L’inflation ou plutôt la
hausse des prix devrais-je dire est bien installée et pour le moment rien ne laisse entrevoir
une marche arrière.
Nos banquiers centraux se sont bien trompés. Ils ne le reconnaissent pas encore, mais c’est
pourtant le cas. Initialement provoquée par les pénuries liées à la reprise économique, lahausse des prix s’est accélérée avec l’envolée des matières premières, de l’énergie et
décuplée par la guerre en Ukraine. Pour considérer que nous sommes face à un phénomène
inflationniste, il faut deux composantes : une hausse des prix (nous l’avons) et un mécanisme
de hausse des salaires qui entretient la hausse des prix. C’est ce que l’on appelle en
économie la boucle prix / salaires. Sur ce 2e point, nous avons un début de mise en place de
cette spirale aux États-Unis. Les salaires montent ce qui entretient l’accélération des prix. En
Europe ce n’est pas encore le cas, mais tout vient à point à qui sait attendre. C’est pourquoi il
est préférable de parler de hausse des prix plutôt que d’inflation en Europe.
Le problème, c’est que pour le moment rien ne laisse entrevoir une inflexion de cette
tendance. La politique de 0 COVID en Chine consistant à confiner des régions entières dès le
1er cas maintient les goulots d’étranglement et les pénuries. La Russie n’a pas prévu pour le
moment de renvoyer ses chars au Kremlin et les banquiers centraux sont piégés, car ils ne
peuvent pas augmenter les taux directeurs trop fortement. Ils le devraient, mais les États
sont trop endettés et une politique monétaire trop agressive pourrait mettre des États
comme la France dans l’incapacité de rembourser leur dette.
Conséquences ?
La croissance commence à ralentir. Les prévisions et les indicateurs sont orientés à la baisse.
Nous ne sommes pas encore sur une croissance négative (récession), mais on grignote des
points de croissance tous les mois. La reprise des activités post-covid reste forte et soutenue
pour le moment. Une sortie de crise en Ukraine ou un changement de politique sanitaire de
la Chine pourrait redonner des éclaircies sur l’ombre au tableau.
Les banquiers centraux (FED et BCE) vont augmenter les taux directeurs de manière très
régulière. Cependant, tant que les taux réels resteront négatifs (rappelons qu’il s’agit des
taux d’intérêt auxquels on soustrait l’inflation), l’impact de leur politique sur l’inflation sera
très peu significatif. Ils ne peuvent pas avoir une action de politique monétaire plus violente
au risque de mettre au tapis les pays fortement endettés.
Tactique d’allocation :
Le contexte que nous vivons à savoir une croissance qui ralentit et une inflation qui accélère
et la pire situation pour un investisseur. Historiquement les périodes de hausses des taux
accompagnées de chocs sur les matières premières ont habituellement provoqué des
récessions. Nos économies sont cependant moins dépendantes à l’intensité énergétique
depuis ces cinquante dernières années.
Pour le moment, nous pensons que nous pourrons éviter un scénario récessionniste tant que
les taux réels demeurent négatifs. Les États-Unis semblent moins exposés à la guerre en
Ukraine et indépendante sur le plan énergétique. Cependant l’inflation devient une vraie
préoccupation. L’Europe est plus attractive en termes de valorisation ainsi que la Chine.
Notons que la bourse chinoise a perdu 32% entre son point haut et son point bas de débuts
d’année. Nous avons repondéré ces deux zones géographiques très sous valorisées dans un
positionnement de long terme.