Lettre du mois de mai

Lettre du mois de mai

Chantier immobilier

Points importants :

  • L’immobilier recule
  • Les taux continuent de monter
  • L’inflation recule très lentement en Europe
  • Les marchés en ordre très dispersé

Le contexte

Le contexte reste globalement le même depuis plusieurs mois maintenant. L’inflation recule, mais très péniblement. Les économies ralentissent, mais personne n’arrive à entrevoir l’ampleur du ralentissement. Les doutes sur le secteur bancaire reviennent par secousses, les banques régionales américaines restant encore sous pression des retraits de liquidités des déposants. Dernière victime, la First Républic Bank qui va être absorbée par JP Morgan (1ere banque américaine). Les retraits de la banque régionale avaient atteint plus de 100 milliards de dollars. C’est la moitié de ses dépôts. Le crime profitera une fois encore aux gros acteurs du secteur comme nous le mentionnions dans la précédente newsletter.

Nous avions fait un focus en avril sur l’épisode bancaire. Nous allons tenter de faire un état des lieux ce mois-ci sur les conséquences des mouvements macroéconomiques que nous vous décrivons sur le secteur de l’immobilier.

C’est un secteur très important, car il représente 62% du patrimoine des Français (INSEE). C’est aussi un secteur qui présente toutes les vertus aux yeux des investisseurs français. Essayons d’en décrypter les dynamiques et contraintes du moment.

Immobilier : ralentissement en vue !

L’immobilier recule. C’est un fait. Nous avions tiré la sonnette d’alarme en décembre dernier en constatant que la valeur des grandes foncières cotées avait baissé de -30% sur 2022. Un plancher ayant été atteint en octobre avec une baisse de -37.66%.

Nous étions arrivés à la conclusion que le marché des grandes foncières cotées était représentatif en avance de phase d’un recul qui allait toucher le marché immobilier dans son ensemble. Même si évidemment l’immobilier ne va pas reculer dans les proportions des marchés actions, il est difficilement concevable que les des grands groupes comme Klepierre ou Unibail Rodamco Westfield voient leur valeur boursière baisser de -30% sans que l’immobilier dans son ensemble ne recule.

L’actif qui compose ces groupes est bien l’immobilier, avec un penchant commercial, mais c’est un thermomètre avancé du sentiment de marché dans son ensemble.

Évolution de l’indice de l’immobilier coté en Europe en 2022 (dividendes inclus)

Source : cgp-conseil ; M&H conseil

Dans l’immobilier résidentiel, les prix commencent à reculer. L’indice des prix immobilier (IPI) en 2023 du site « meilleurs agents » recule de -2.1% sur Paris, de -0.9% dans les 10 grandes villes françaises et de -0.6% sur la France. Même si le recul est modéré, c’est une inflexion d’une tendance de long terme. Le site précise également que les marges de négociations s’amplifient. Le taux moyen de négociation s’établit à 4.10% dans le top 50 des communes. Cela devrait se poursuivre. Les acquéreurs ont la main et les vendeurs ont du mal à ajuster les prix des biens avec un référentiel d’historiques de prix qui est aujourd’hui dépassé…

Indice des prix immobilier résidentiel en zone euro (HPI : House Price Index)

Le marché va continuer son ajustement. Cette normalisation à rythme lent en partie due par la hausse des taux est une bonne chose. Les prix ne peuvent pas monter sans limites au risque de créer des bulles. Il faut que les excès causés par les taux négatifs se normalisent.

Les taux d’emprunts immobiliers à 5% en 2023 ?

Cela paraissait improbable il y a quelques années encore. Rappelons qu’en avril 2021, le taux d’emprunt moyen sur 20 ans était à 0.99% avec un apport presque nul. Aujourd’hui la fourchette de taux sur 20 ans se situe entre 3.90% et 3% en fonction de l’apport et de la qualité du dossier présenté. Le taux d’usure est à 4.52% (taux maximal auquel il est possible d’emprunter en ajoutant la totalité des charges liées au crédit).

Compte tenu des données d’inflation publiées début mai, les taux en Europe vont continuer de monter. L’inflation en zone euro a cessé de baisser et a même accéléré en mai passant de 6.9% à 7%… La BCE (banque centrale européenne) va poursuivre sa politique monétaire restrictive. Elle n’a pas beaucoup d’autres solutions. Il y a encore au moins deux voire trois hausses de taux à anticiper d’ici la fin de l’année.

Ajoutons à cela le phénomène de crédit Crunch qui commence à se mettre en place. Le crédit Crunch est un assèchement du crédit provoqué par les banques. Ces dernières ferment les vannes de distribution du crédit afin de ne pas mettre en risque leurs bilans. Le stress sur le secteur bancaire venu des états unis va forcer les banques à montrer « patte blanche ». Pour ce faire, elles voudront présenter des bilans les plus sains possibles pour échapper aux sanctions ou contraintes réglementaires. Le seul moyen est d’accepter uniquement les dossiers de crédit « sans risques » ou avec le moins possible…

Si vous avez essayé de déposer récemment un dossier emprunteur dans votre banque, vous pourrez constater que l’exercice est bien plus complexe qu’il y a 1 ou 2 ans. Les banques vont devenir très sélectives sur l’octroi du crédit. Ce phénomène est bien plus contraignant que la hausse des taux elle-même.

Les opportunités

La baisse de marché que nous constatons n’a rien d’alarmant pour l’heure. C’est un recul en bon ordre dont les causes sont identifiées (hausse des taux, limitation de crédit, baisse des volumes de transaction…). Le rééquilibrage du marché en l’absence de cygnes noirs et de chocs systémiques sur le secteur n’est qu’un réajustement logique de l’offre et de la demande.

Les volumes de transaction ont significativement baissé. On note une baisse de -25% du nombre de réservations dans le neuf selon la fédération des Promoteurs immobiliers. Dans l’ancien, depuis le pic observé en août 2021, les volumes de ventes ont baissé de -8% (notaires de France). Nous pensons que cela constitue des opportunités pour les investisseurs.

En effet, moins d’acquéreurs signifient plus de demandes sur le marché locatif. Ceux qui ont la capacité de faire des acquisitions peuvent le faire avec des prix qui baissent et un marché du locatif qui va être plus sollicité. Nous pensons également que le marché des jeunes SCPI qui constituent leur parc immobilier dans les conditions actuelles peuvent réaliser de bonnes affaires. Elles sont peu dépendantes au crédit et ne subissent pas la hausse des taux. Elles bénéficient en revanche pleinement de la baisse des prix et de l’amélioration des rendements locatifs.

Il convient d’être prudent dans ces conditions macroéconomiques en privilégiant la diversification des actifs (résidentiel, bureaux, stockage…). Il est possible de faire de bonnes opérations tout en conservant de la disponibilité. Les tendances que nous avons évoquées devraient se poursuivre, voire s’accentuer dans les mois qui viennent. Les opportunités continueront de se dessiner.

Les marchés en ordre dispersé

Les marchés actions résistent en gravitant proche de leurs sommets en Europe. Il faut cependant prendre le niveau des indices avec extrêmement de prudence. Ils ne reflètent pas du tout l’intégralité de la cote. En effet, le CAC 40 est pour l’heure le meilleur indice mondial. Un grand merci à nos fleurons du luxe pour cette performance. Cependant, le luxe pèse désormais 30% du poids de l’indice. Il a progressé de 30% en 2023. Nous avons donc 9% de la performance de 2023 qui revient au seul secteur du luxe. Cela fait beaucoup dans la progression du CAC 40 de 15% cette année. Les 70% des autres valeurs représentent uniquement 6% des gains…

Même constat aux Etats Unis. Les géants de la Tech cristallisent presque l’intégralité de la performance du S&P 500. Le reste étant à l’équilibre ou en recule. Les investisseurs dans le doute privilégient les leaders mondiaux dont la croissance fait peu de doute. C’est là que se situe la complexité. Si la croissance économique vient à manquer (anticipation de récession), ce sont les valeurs qui arrivent à délivrer de la croissance qui seront plébiscitées.

*Les performances passées de sont pas un bon indicateur des performances futures.

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